01/02/2013

Restos : La Dame de Pic à Paris

Les beurres infusés de La Dame de Pic

J'étais dévorée de curiosité à l'idée de découvrir la proposition "brasserie de luxe" d'Anne-Sophie Pic, notre unique chef femme triple étoilée, et je n'ai pas été déçue.

Il y a quelques années, j'ai eu la chance de dîner à la maison mère, à Valence. À la veille de reconquérir la troisième étoile, Anne-Sophie Pic livrait une cuisine de haut vol, concentrée sur la perfection du résultat. Peut-être trop. Loin de figer son talent, le troisième macaron a libéré son inventivité. Tout particulièrement ici.

L'huître Gillardeau, chou-fleur, jasmin

Cuisine sur rue. De loin, le restaurant est quasi invisible, n'était-ce sa cuisine donnant sur la rue. Anne-Sophie reprend l'idée éprouvée par son père à Valence d'une cuisine ouverte sur la salle, devenue la tarte à la crème de la restauration au XXIe siècle. Deux portes donnent sur la rue, mais une seule ouvre sur le restaurant. Les commis vous font signe si vous vous trompez. Ils doivent passer une bonne partie de leur service à ce petit jeu-là ! Non, le meilleur repère, c'est que le restaurant jouxte l'enseigne verte  "Duluc détective" chère aux cinéphiles.

Un concept ludique et olfactif. Les trois menus proposés sont construits autour de dominantes olfactives. En début de repas, trois mouillettes de parfumeur sont apportées, censées guider le choix entre Vanille ambrée, Iode et fleurs, Sous-bois et épices. Le décor ne détourne pas de l'expérience. Au mur, des panneaux de cuir ajourés, blancs sur fond blanc. Nappes et vaisselle blanches. Quelques touches de brun avec les sièges et le bois des tables. Des orchidées bleues, orange ou jaunes ornent les tables, un mélange pas très heureux.

Le problème, c'est que l'on n'a pas forcément envie de manger nos parfums préférés. Si la rétro-olfaction procure de grandes émotions dans la dégustation de bien des mets, et en particulier du chocolat (sport que je pratique au quotidien, et avec le CACAO club en dégustation à l'aveugle), l'inverse n'est pas sûr en ce qui me concerne, et absolument impossible pour mes deux accompagnateurs.

Reste que les trois menus sont alléchants et fort bien conçus, avec de la poésie, des rimes, des fulgurances... et bien sûr quelques synesthésies. Et puis par les temps qui courent ils ont le mérite... d'exister ! Trop de chefs imposent un menu unique, à prendre ou à laisser.

Avec mes deux convives, nous avons opté pour deux menus Vanille ambrée et un menu Iode et fleurs, laissant de côté le troisième et ses déjà célèbres berlingots au chèvre frais fumé, champignon des bois et fève tonka.

Les beurres infusés. Pour patienter, dégustation de beurre ! Au café Blue Montain ou au piment d'Espelette, avec des petits toasts triangulaires aux arômes très étudiés. Un départ en fanfare qui laissait présager un meilleur pain d'accompagnement au cours du repas, ma seule grande déception.

Osé et maîtrisé. Mes commensaux débutent par une association osée mais finalement totalement évidente en bouche. Le côté terreux de la betterave fait un écho parfait au côté torréfié du café, qui contrebalance le sucré du légume.

Les betteraves, café Blue Mountain 

La poularde fermière, couteaux, épinards, fleur d'oranger

Le cochon de Bigorre, coing, vanille, safran

La sardine (récemment remplacée par du rouget), poireau, thé matcha

Tous fous du chou. Le menu "premier prix" recèle une pépite : une déclinaison bête comme chou qui en fait voir de toutes les couleurs ! Fondants ou croquants ? Braisés ou vapeur ? Comme un pickle ou en espuma ? Tout cela ensemble et séparément, et c'est comme si on en mangeait pour la première fois. Une réécriture totale, inédite et évidente à la fois... Un tour de force !

Le chou pluriel, vanille, bergamote

Les desserts : halte à la sphérification ! Le jeu des accords se poursuit en mode majeur, avec un bémol. Dans le ressac de la vague moléculaire, nous avons été surpris de trouver échoué sur nos assiettes ce genre de préservatif à sauces. 

Le baba au rhum, fruit de la passion, gingembre, vanille

La poire William, réglisse, violette, en écho à mon entrée

Sublimes petits sablés au chocolat au lait !

Globalement, nous sortons enchantés. Beaucoup de découvertes, surtout avec les ingrédients très simples de saison. Le service est efficace et détendu, le volume sonore de la salle raisonnable. On a hâte de découvrir la carte de printemps !

Menus à 49 € le midi en semaine, 79 €, 100 et 120 € le soir. Attention, vins qui douillent !

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