De passage en Suède, je me devais d'aller dans un restaurant estampillé "New Nordic", dans la lignée du Noma de Copenhague, au Danemark voisin, toujours numéro un du classement des 50 meilleurs restaurants du monde...
Le New Nordic, c'est quoi ? C'est un mouvement très organisé qui prône l'emploi des ressources locales et de saison et une cuisine créative. Pas facile quand on est sous la neige six mois par an et que les produits du cru les plus abondants sont le hareng de la Baltique et la pomme de terre (ça, c'est le Old Nordic) !
Comment faire bon avec pas grand chose ? La pauvreté des ressources booste souvent la créativité. Témoin la gastronomie japonaise qui fait des merveilles avec du riz, du soja, du poisson et des algues...
Ici, on améliore les procédés existants, comme avec les chips de pomme de terre ci-dessus. Extra-fins, on peut voir à travers !
On exploite tous les produits, sous toutes leurs formes. Des baies de genièvre vertes accompagnent les chips et se retrouvent concassées sur une crème fromagère. Un simple foie de volaille prend des allures de foie gras. Mousses et lichens sont appelés à la rescousse. Ainsi que le design suédois !
Les couverts reposent sur du bois de renne
Le beurre (pas terrible) repose sur un galet
Les œufs de caille à la sauce de pois maison (façon sauce soja)
Langoustine tiède et chou-rave croquant, attention chef d'œuvre !
Maquereau fumé, radis et fraises vertes au vinaigre sucré
Poêlée de légumes de saison (aïe, les petits pois sont durs !)
Agneau de printemps, déglaçage au vinaigre, orties, ail sauvage
Bonus pas en photo. Comme souvent, le meilleur ne donne pas grand chose en photo. Alors je vous laisse imaginer ce granité de concombre et pousses d'épicéa proposé en trou normand. Le concombre croque et l'épicéa dégage les bronches !
Ou cette glace à la rhubarbe fraîche et lacto-fermentée, lichen et oseille à l'acidité marquée. Ou ces bonbons de grains de blé caramélisés au miel et pissenlit !
C'est décoiffant pour un palais français. Il faut juste se souvenir que le bonbon traditionnel suédois est composé de réglisse et de sel. Le curseur des saveurs est très poussé ici !
L'ingrédient secret. Ce qui frappe aussi dans cette cuisine, c'est sa facilité d'accès. À tous les niveaux. On peut ainsi réserver en ligne depuis la France dans tous les restaurants un peu cotés de Stockholm et savoir tout de suite s'il y a de la place ou non. Il est simplement demandé de confirmer la veille.
Sur place tout est expliqué en détail en anglais par les serveurs. Et parfois c'est une sacrée gageure ! On est invité à visiter les cuisines et à parler au chef. On reçoit ensuite dans sa boîte mail, toujours en anglais, les remerciements du chef pour être venu et le détail du menu surprise.
Comment résumer tout ça ? Ce qui domine, c'est la gentillesse. Au sens étymologique du terme : noblesse de l'âme, des sentiments...
Les restaurants branchés/étoilés parisiens pourraient s'en inspirer avec profit ! ("non, pas de réservation !" "Appelez trois mois avant de 9h à 9h30 !" "Donnez votre numéro de carte bleue s'il vous plaît !" "Ah, le serveur ne parle pas anglais !"). Oui, nous avons les meilleurs produits et un savoir-faire culinaire de tout premier ordre, mais tout cela est souvent gâché par un snobisme qui frise le mépris... et qui finira certainement par couper l'appétit aux gourmets du cru comme aux touristes !