21/03/2014
Chaud devant : Omnivore 2014 à Paris
Comment c'était, le festival 100 % jeune cuisine ? Sur scène, les chefs jouent les rock stars ou les savants fous, les produits conjuguent high tech et terroir. "Local" et "responsable" sont dans toute les bouches. Le public communie, à genoux dans l'allée quand toutes les places sont prises !
Palmes de la provoc'. Gunnar Karl Gilason, restaurant Dill, Reykjavik, Islande (ci-dessus). Représentant du courant New Nordic médiatisé par René Redzepi, il fume ses poissons comme les anciens Islandais : à la fiente de mouton. Eh oui, il n'y a pas beaucoup d'arbres à brûler pour faire de la fumée en Islande !
Il sert aussi un ébouriffant poisson-chat fumé et séché râpé directement sur une pierre noire du pays. C'est brut. C'est beau.
Charles-Antoine Crête, Montréal, Canada. Il fallait suivre cet électron libre, passé par El Bulli, débit mitraillette avec accent de la Belle Province à couper au couteau, blague facile entre deux coups de blanc sifflés cul sec.
Show à part, on apprend que l'olibrius a développé "avec des amis" une très sérieuse filière de pêche au thon responsable en Gaspésie. Son émission TV ? Pas glamour ! Ça s'appelle "A table avec l'ennemi". Il s'agit de cuisiner en zone de conflit avec pas grand chose. Il asperge la table de ses dernières trouvailles : caramel de tête de homard, farine de pop-corn, crème d'épluchure de patate, poudre de bourgeon de cassis et de sapin, "le romarin du Québec" ! Son truc : faire mieux avec moins.
Grand prix du scoop. Antonin Bonnet, Le Sergent Recruteur, Paris. Depuis un an, c'est la nouvelle coqueluche de la capitale. Cet obsédé du beau produit et du bilan carbone a mis en place des circuits courts et un potager en permaculture. Pas de serres mais une culture en couches chaudes comme au 18e siècle.
Ces pousses de chou du jardin tombées dans un beurre maison aux noisettes torréfiées et fleur d'amandier se veulent "simples et musclées".
Ancien de chez Michel Bras, il lui fait un vibrant hommage : "il a tout inventé il y a vingt ans !" Mais ce n'est pas ça le scoop ! C'est l'ouverture d'une deuxième adresse : Le petit Sergent, un numéro plus loin dans la rue, avec des plats tout aussi percutants mais plus décontractés.
Césars du raffinement sauvage. Cathy et Cédric Denaux, L et lui, Saint-Paul-Trois-Châteaux, Drôme Provençale. Lui est botaniste et chef, elle est en salle et au jardin, 1000 m2 d'herbes et de plantes aromatiques semées et repiquées selon le calendrier lunaire. Il cueille au fil des saisons une quarantaine de plantes autour de chez lui, elle récolte ce qu'offre le moment. Le menu, jamais publié, est réalisé au petit bonheur du panier du jour et de l'inspiration. Mais contrairement au menu unique imposé par tant de chefs, Cathy écoute les envies et préférences des hôtes, et Cédric s'en sert pour improviser. Certains Parisiens pourraient en prendre de la graine !
Grande générosité : on goûte successivement, haché en beurre et en sorbet, du pélargonium rosa puis citronnelle, de la rue officinale (on dirait de la noix de coco, du bâton de réglisse et de la moisissure de fromage mêlés !), de l'oxalis sauvage et cultivé (note plus ou moins citronnée). Grande humilité aussi, ils se cachent littéralement derrière leur pots de plantes !
Philippe Guenon, pêcheur, et Philippe Hardy, Le Mascaret, Blainville-sur-Mer. Les deux Philippe font la paire. L'un pêche et conserve en bassin ses plus belles prises. L'autre les tue selon la technique japonaise de l'ikejime. Le poisson déstresse en bassin car il ne doit plus se nourrir. Ensuite il est tué sans souffrance : on lui tranche la colonne vertébrale. Le cœur qui continue de battre le vide de son sang. Il conserve sa saveur marine sans "sentir le poisson". Cruel ? Et le laisser mourir d'asphyxie à petit feu hors des filets ?
Ensuite, les filets sont levés et laissés à mûrir trois jours au frais, roulés puis cuits à 65°C, snackés juste avant dégustation. Cœur nacré sur un pourtour à peine grillé, un délice avec des légumes racine entre fondant et croquant !
Oscar du chef savant fou. Sang-Hoon Degeimbre, L'air du Temps, Liernu, Belgique. Il aime les réactions chimiques, les chocs d'ingrédients, les herbes sauvages et la surprise. Il nous concocte, sur un fromage frais, un lit de pétales et d'herbes cachés par des bulles gonflées d'arôme de verveine qui éclatent sous la cuillère !
Il fait partie de la Génération W (pour Wallonie), une association de chefs, producteurs et artisans. Super bouquin éponyme, à commander à La Librairie Gourmande !
www.generationw.be (clic !)
D'autres jeunes fous de cuisine à découvrir sur www.omnivore.com (clic !)
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